Refus de recevoir M. GUEANT en Guadeloupe - Forum des créoles
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Refus de recevoir M. GUEANT en Guadeloupe  
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Auteur : Info Directe
   08-02-2012

Communiqué de presse

Victorin LUREL et Jacques GILLOT adressent une lettre ouverte à Claude GUEANT
Basse-Terre, le 7 février 2012 – Après les déclarations de Claude GUEANT sur une prétendue inégalité entre les civilisations, les présidents du Conseil régional et du Conseil général de la Guadeloupe, Victorin LUREL et Jacques GILLOT, ont adressé une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur, Claude GUEANT, pour lui indiquer qu’ils ne le recevraient pas lors de sa visite prévue en Guadeloupe la semaine prochaine :

« Monsieur le ministre,
Nous avons été informés de votre prochain déplacement en Guadeloupe et nous sommes au regret de vous faire savoir que nous ne pourrons vous y recevoir.

Fidèles à notre indéfectible attachement aux principes républicains et démocratiques, nous avons toujours veillé, en tant qu’élus de la Nation, à faire le meilleur accueil aux membres du Gouvernement en visite officielle aux Antilles, quand bien même nous ne partagerions pas les mêmes sensibilités politiques.

Mais aujourd’hui, c’est pleinement conscients de l’importance symbolique de notre geste, et mus par le même sens du devoir républicain, que nous avons pris la décision de ne pas vous accueillir en Guadeloupe.

Les faits sont malheureusement là, têtus : Par vos « dérapages » verbaux répétés et assumés à l’égard des étrangers et des Français issus de l’immigration, qu’ils soient d’origine roumaine, comorienne, ou de confession musulmane ; par votre circulaire qui durcit considérablement l’obtention de visas pour les étudiants étrangers qui aiment la France et qui souhaitent y débuter leur vie professionnelle en mettant leurs compétences à la disposition de notre pays ;

par votre volonté sournoise d’interdire en pratique l’accès à la naturalisation à des immigrés présents sur notre sol de très longue date et qui ont démontré pleinement leur désir d’intégration ; par vos propos consternants sur la hiérarchie des civilisations, vous tournez résolument le dos aux valeurs fondamentales de la République, auxquelles nous Antillais, dont les ancêtres ont connu l’esclavage et la colonisation, restons attachés encore davantage que d’autres.

Certains ne veulent voir dans vos déclarations qu’une banale stratégie politicienne visant à séduire les électeurs du Front national, en vue des prochaines échéances électorales. Nous avons peine à croire que la vie politique française serait devenue, sous Nicolas Sarkozy, à ce point dévoyée, que la fin justifierait tous les moyens, même les plus immoraux. Aurions-nous donc perdu en France la boussole des valeurs humanistes et de tolérance qui fondent notre vivre-ensemble ?

Nous, qui avons vu l’histoire bégayer avec l’abolition puis le rétablissement de l’esclavage, savons que subrepticement les heures sombres du passé peuvent derechef advenir.
D’autres, que vous cherchez à entretenir dans la peur d’une dépossession de leur identité « nationale », verront dans vos prises de position, un combat pour la défense d’une France menacée. Nous n’y croyons pas davantage, nous qui savons que notre pays, et c’est sa richesse et sa singularité, s’est construit au fil de l’Histoire grâce aux apports culturels successifs issus des différentes vagues d’immigrations, qu’elles soient européennes, ou plus récemment indochinoises, maghrébines, caribéennes, et africaines.

C’est ainsi qu’est aujourd’hui la France. C’est ce qui fait la France. C’est ainsi que nous l’aimons comme la grande majorité des Français l’aiment. Cette alchimie originale qui unit des bras de toutes les couleurs pour bâtir notre Nation, des coeurs enveloppés de peaux de toutes les couleurs pour aimer notre pays et des yeux de toutes les couleurs regarder grandir la France, ne constitue en rien une menace. C’est au contraire notre bien commun.

C’est ce bouillonnement perpétuel des identités individuelles et collectives dans le creuset républicain qui forge notre identité commune. Nous n’acceptons pas que vous cherchiez à éteindre la flamme qui entretient ces mélanges féconds, ces métissages précurseurs et cette volonté commune de vivre ensemble. Nous n’acceptons pas davantage que vous stigmatisiez nos compatriotes musulmans ou issus de l’immigration maghrébine en mélangeant tous les concepts, en dressant les uns contre les autres et en hiérarchisant les civilisations tel un nouvel Arthur de Gobineau ou de nouveaux Ernest Renan et Jules Ferry égarés.
Nous ne souhaitons pas recevoir celui qui tient des propos dangereux pour l’unité nationale.

En décembre 2005, afin de marquer son indignation suite au vote d’une loi reconnaissant « le rôle positif de la présence française outre-mer », Aimé Césaire avait refusé de rencontrer le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, en déplacement en Martinique. Nous avions alors tous, outre-mer, salué la portée de son geste.
Nous choisirons par conséquent, en toute modestie, de lui emboîter le pas. Nous n’irons pas vous accueillir à l’aéroport. Nous ne vous accueillerons pas personnellement dans nos collectivités. Et si vous souhaitez vous rendre dans ces institutions de la République qui vous restent malgré tout ouvertes, nous prendrons les dispositions nécessaires pour recueillir le message que vous voudrez éventuellement délivrer. »

LA DIRECTION DE LA COMMUNICATION


Re: Refus de recevoir M. GUEANT en Guadeloupe  
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Auteur : Ernest Pépin
   14-02-2012

Ernest Pépin - Lettre ouverte à Claude Guéant !


LETTRE OUVERTE A MONSIEUR CLAUDE GUEANT


par Ernest Pepin, mercredi 8 février 2012, 19:08 ·

La politique ne justifie pas tout. La campagne électorale ne légitime pas tout. Les dérives inquiétantes qui se manifestent en France ne valident pas tout. L’insulte est un argument de pacotille. Le pire des arguments car il s’adresse non pas à la bêtise humaine mais à la faillite de l’humain.
Vous avez avec une arrogance qui est la marque des ignorants ou des cyniques, tenus des propos inacceptables pour des citoyens dont l’histoire prouve qu’ils ont lutté, générations après générations, pour que la France ait le visage républicain de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
Je vous écris d’Haïti où la négritude se mit debout et où l’armée napoléonienne a été vaincue par des esclaves que La France s’est empressée d’abandonner, d’isoler, de stigmatiser parce qu’ils avaient eu l’insolence de croire en une possible liberté.
> J’espère donc que mes propos indignés auront la résonnance que l’on doit à la dignité bafouée.
> Inégalités des civilisations dîtes-vous ! Oui cela rappelle étrangement un certain Monsieur Gobineau de sinistre mémoire et de pensée sale qui semble avoir servi de maître à penser pour les adeptes de la colonisation et pour les complices des décolonisations avortées.
> L’année même où l’on célèbre l’anniversaire de Frantz Fanon, de Léon Gontran Damas !
> J’imagine qu’Aimé Césaire doit se retourner dans sa tombe en se disant que vraiment une certaine partie de la France est incurable, perdue à jamais pour la cause de l’égalité.
> Nous avions déjà eux les fumerolles suffocantes du discours de Monsieur Sarkozy au Sénégal. Nous avions déjà eu les fumées nauséabondes de vos déclarations sur le « un » et le « trop ». Nous avons là l’explosion voulue et pitoyable d’une pensée suicidaire destinée à empoisonner encore plus nombre de vos compatriotes.
Le racisme n’est jamais un abri. Le racisme n’est jamais une protection. Le racisme n’est jamais une morale. Il a toujours reposé sur l’inhumanisation des peuples dits de couleur (comme si le blanc n’était pas une couleur ?) et d’européens auxquels on dénie le droit d’appartenir à la famille humaine.
Le racisme de tout temps aime se camoufler, emprunter les armes de la logique, déformer l’histoire, ignorer la diversité des peuples et les cultures. Mais tout racisme est un boomerang qui revient à l’envoyeur. Alors me direz-vous : je n’ai pas été raciste ! J’ai juste mis en cause l’égalité des civilisations ! Vous le savez mieux que moi ! Le racisme commence par là !
Monsieur Claude Guéant !
Tant d’intellectuels, de penseurs, d’artistes ont mis toute leur intelligence à démontrer le contraire que vous les humiliez et ce qui est plus grave vous les humiliez par démagogie et par petitesse.
Humilié, Levi-Strauss !
Humilié, André Breton !
Humilié, Anthénor Firmin !
Humilié,Jean-Paul Sartre !
Humilié, André Schwarz-Bart !
Humilié Edouard Glissant !

Humiliés, tous les combattants de l’égalité humaine et ce qu’il y a de plus juste, de plus vigoureux, de plus humain dans la pensée française.
> C’est-à-croire que vous êtes favorable non pas seulement à l’humiliation mais à la régression des consciences. Conscience ! Un mot qui devrait vous empêcher de dormir car vous n’êtes pas seulement vous-même. Vous êtes un ministre important du gouvernement de la France.
> Le Général de Gaulle se targuait d’avoir une certaine idée de la France. Je m’inquiète et je vous pose la question : à quelle idée de la France croyez-vous Monsieur Guéant ?
> Je n’ose penser que ce soit à celle qui a amoncelé tant de cadavres européens et d’ailleurs. Je n’ose penser que ce soit à celle d’une certaine Afrique du Sud qui prônait le traitement inégal des composantes de l’humanité. Je n’ose penser que ce soit celle d’une France qui se donne le droit, le plein droit, le mauvais droit, d’être raciste au point de distribuer les civilisations sur l’échelle de l’humanité.
Echelle construite par vous-même et par l’armée des penseurs faillis, étroits, disqualifiés ! Faillite, étroitesse, disqualification, sur lesquelles vous bâtissez votre propre prison mentale.
Monsieur Guéant, permettez-moi de vous dire que vous vous êtes déshonorés comme vous déshonorez toutes les victimes de votre pensée !
Je pense à Nelson Mandela
Je pense à Martin Luther King
Je pense à Gandhi
Je pense à Aimé Césaire
Je pense à Jean-Marie Le Clezio
Et s’il fallait en citer d’autres, je vous invite à revoir non pas vos manuels d’histoire française mais votre manuel d’histoire de l’humanité.

L’humanité à du produire un effort gigantesque pour s’élever à une philosophie de l’égalité. Elle n’y est pas encore parvenue mais ce n’est pas une raison pour s’interdire un devoir de respect et un devoir d’humilité.
Il y a dans la « civilisation » européenne de nombreux tiroirs. Ouvrez-les ! Vous y trouverez des terres volées, des tortures impunies, des squelettes blanchis par votre affirmation, des femmes violées, des enfants achetés ! Vous y trouverez des zoos humains. Vos musées regorgent d’objets culturels ramenés de toute part et surtout de civilisations amputées, exterminées. Dîtes-moi : sur quoi l’Europe est devenue l’Europe ? Sur quoi s’assied la France pour se donner le droit de proclamer l’inégalité des civilisations. Les deux mamelles de la France sont la colonisation et l’exploitation des richesses des autres. Et c’est parce qu’il devient, dans un monde où les prédateurs se multiplient, plus difficile de piller, plus difficile d’exploiter sans contrepartie, plus difficile de se servir que certaines pensées trouve un regain de crédit et d’illusion.

Monsieur Guéant, nous sommes en 2012. Encore à l’aube de votre IIIème millénaire et vous vous permettez de tenir de pareils propos ?
L’on vous écoute ! L’on vous entend ! L’on vous devine ! Je veux dire des peuples vous écoutent ! Des civilisations vous entendent ! La pensée vous devine !
Mais, plus près de vous, ce que vous appelez les ultramarins vous écoutent et jugent vos inconvenances.
Ils sont les descendants d’Africains, d’Indiens, d’Européens, de Libanais, de Syriens, de Malgaches, d’Amérindiens. Ils sont aussi canaques !
Et vous venez, dans votre affolement, réveiller vos vieux démons, en puisant dans le fonds des crispations et des arriérations. Vous vous êtes trompé de boite à idées ! Je me sens mieux, moi le Guadeloupéen, aux côtés d’Hégésippe Légitimus, de Simone Schwarz-Bart, de Maryse Condé, d’Elie Domota, d’Aimé Césaire, de Frantz Fanon, d’Edouard Glissant et de tant d’autres. Malgré bien des ressentiments, bien des incompréhensions et bien des manipulations. Nous n’avons jamais eu la prétention insupportable de graduer les civilisations et de nous croire le droit de défendre une telle ineptie. Monsieur Guéant, certaines pensées aussi peuvent être un crime contre l’humanité.

Ernest Pépin
Ecrivain
Guadeloupe
Le 07 février 2012

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