La belle histoire du Tchip créole...
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Auteur : Grabou
02-10-2008
Ci-dessous l'étude "scientifique et technique" du célèbre "Tchip" créole qui m'a été envoyée par un ami.
Déjà connu ou pas ??
Un peu de lecture ! !
- Mademoiselle ? Mademoiselle ?
- Oui ? C'est pour quoi ?
- Pardonnez mon audace, mais vos parents ne seraient-ils pas de grands voleurs par hasard ? Car ils ont pris toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans vos yeux...
-TCHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIPPP ! ! !
Cette scène ne te rappelle rien ? Non, vraiment ? Et pourtant elle est bien fréquente chez nous aux Antilles. Elle met en évidence d'ailleurs, cet outil indispensable à la ponctuation créolite : le tchip. Pourquoi ? Pourkwaaaaa ? Me diras-tu.
C'est simple en fait. Le français moderne néo-montesquien du XXIème siècle, ne donne à ses phrases, n'ayons pas peur des mots, aucun feeling. Le créole, lui, parvient à accentuer la signification des différentes propositions selon l'humeur des interlocuteurs. Et cela, grâce à un outil linguistique exceptionnel, qui parvient à remplacer une lourde ponctuation et exprimer dans le même temps une série d'impressions liées au contexte général : d'où une nouvelle économie de mots.
Disons le haut et fort le tchip est l'outil linguistique contemporain le plus fabuleux qui soit ! Mais comment l'utiliser ?
Sa prononciation : Le Tchip est le résultat d'une prouesse labiale époustouflante. La bouche semi-ouverte (certaines femmes très entraînées parviennent à le faire la bouche fermée), il provient d'une pression de la langue sur le palais, suivie d'une succion du stock salivaire situé juste en dessous. La portée elle, s'obtient par un décollement progressif des lèvres inférieures et supérieures, accentuer le son.
Du reste, le tchip peut être long, court, semi-long, sec, ou saliveux, tout dépend de l'effet linguistique qu'on lui destine.
Voyons donc quelques points grammaticaux essentiels à sa correcte utilisation dans la phrase.
1- Le tchip court, ou tchip de transition
Le plus simple, il est d'usage courant et fréquent.
Olà soulié en mwen yé-tchip- Ha ! Mi yo. (Où sont passées mes chaussures hein ?!! Ah ! les voici)
Remarque la place du tchip, entre deux propositions ; il remplace le point au même titre qu'un 'hein', ou un 'ha ha', mais possède contrairement à eux moins de portée exclamative.
En réalité, son rôle est plus subtil. Il se prononce rapidement; il est sec et parfois (ça vaut mieux dans un discours devant le préfet) presque inaudible. Il exprime l'agacement léger, sans conséquences.
2- Le tchip semi-long, ou tchip d'exclamation
Plus significatif, Josef a effectivement trouvé ses chaussures:
Mésieuuuu, gay sa chien la fè èvè soulié en mwen -tchiiiiip- (Bordel ! Regardez ce que le chien a foutu avec mes chaussures ! !)
Ici, le tchip est en fin de phrase. Il remplace un point d'exclamation inutile parce que muet ; le ton de la phrase étant descendant, ce tchip paraît tout à fait approprié pour achever la proposition de Josef qui a accumulé dans la bouche son stock de salive. Il est donc très liquide, et exprime de ce fait l'exaspération certaine vis à vis du chien parce que bèt la kouyon menm. (le chien est con quand même)
3- Le tchip retourné, ou tchip interrogatif
Josef, ou ké di mwen a ki kalité lan mès ou kay èvè sé soulié la sa (Josef, tu vas à quelle messe, là , avec des chaussures aussi sales) -tchiiip-
Très similaire en apparence au tchip exclamatif ; toute la différence tient dans l'intonation.
Celui-ci est légèrement plus court que le précédent, et moins saliveux, mais il est de toute évidence plus sonore, et intervient sur un ton aussi montant que l'agacement de la mère de Josef qui constate chez son fils un manque cruel de respect pour le Seigneur.
4- Le tchip direct, ou tchip dubitatif
Sa ki ni les zom, je vous présente ma copine Caroline (Josef au sortir de la messe) Arrété frèw, sé copin aw ki la ? -kitchiiiiiiiiip- (Arrête de déconner frère, c'est ta copine, elle ?
Waaaayyyy! Me diras-tu. Mais l'orthographe change en plus !
Hé oui, car ce tchip est plus compliqué !!! Il est introduit par un demi-tchip coupé, ce qui le rend plus long (remarquez le temps de préparation qu'il lui faut pour le sortir :'?' Et plus lourd de significations. Car ce tchip, extrêmement bruyant, exprime l'incrédulité totale de l'ami de Josef, qui ne peut concevoir pareille chabine succombant au charme de macomère à trois francs cinquante du brave Josef. Ce tchip est si fort qu'il peut déjà remplacer toute une proposition :
Je vous présente ma copine Caroline (Josef, toujours au sortir de la messe) -Kitchiiiiiiiiip-
5- Le tchip long ou tchip de mépris, un tchip d'anthologie.
Caroline, toisant à l'antillaise les amis de Josef :
Alors Josef, mwen lévé gran bonè matin -tchip- é sé pou rencontré dé kalité chyen malprop' kon sa, ki pa sa kimbé grenn a yo adan on menm islip lè yo ka vwè fanm ka pasé? TCHIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIPPP (Alors Josef, je me suis réveillée de bon matin pour rencontrer des vieux gars qui savent même pas se tenir quand ils voient une femme passer ?
(Silence des amis de Josef ki ja ni la wront) (Qui ont déjà la honte)
Dois-je faire un commentaire? Si peut être, car il faut le préciser, le tchip long est une spécialité féminine. Sentez la charge de mépris qui réside dans la longueur saliveuse de ce tchip. Et encore, car de là , tu ne peux apprécier la contorsion de la bouche en arc de cercle, nécessaire à Caroline pour envelopper sa phrase de dédain supérieur et culpabilisant.
Il demeure inutile de vous préciser que ce genre d'exclamation s'entend à 130 mètres à la ronde en moyenne (record à 556 mètres ) et que l'effet de honte est total.
Voilà , cette liste est dans les grandes lignes, assez exhaustive. Elle englobe les formes les plus usitées de tchip qui existent en ce bas monde. Mais l'univers de cette clef de voûte du créole moderne est très évolutif. Si tu entends des formes inédites d'utilisation du tchip ou des versions remixées (voire remasterisées), n'hésites pas à m’en faire part ! !
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